La ministre de la Culture, Rachida Dati, a ouvert la porte à une solution législative pour débloquer le conflit entre les fournisseurs de contenus et les poids lourds de l'intelligence artificielle comme OpenAI (ChatGPT), Google (Gemini), Meta (Llama), Microsoft (Copilot) et Mistral AI. Une loi pourrait voir le jour.

L’échec de la consultation incite à l’action
Le bilan du ministère de la Culture est amer : le cycle de cinq réunions de concertation co-organisées avec le Secrétariat au Numérique n'a pas porté ses fruits. Face à ce que les professions culturelles décrivent comme un manque de volonté de négociation de la part des entreprises d’IA, l’exécutif durcit le ton. « Le droit d'auteur est le fondement de notre exception culturelle et un pilier essentiel de notre souveraineté numérique et créative », insiste le communiqué de presse du ministère de la Culture, légitimant ainsi l’intervention directe des pouvoirs publics.
Les accords signés restent pour l'instant trop rares (OpenAI avec Le Monde, Mistral AI avec l'AFP) pour constituer un standard. Les créateurs estiment également que le récent règlement européen sur l’IA n’a pas réussi à imposer une transparence suffisante sur les données d’entraînement.
Vers une loi française autour de l’IA et du droit d’auteur ?
Pour rééquilibrer les rapports de force, la future loi pourrait s'appuyer sur des mécanismes juridiques puissants, inspirés des travaux académiques d'Alexandra Bensamoun et de Joëlle Farchy. La mesure phare consisterait à introduire un renversement de la charge de la preuve : il n'appartiendrait plus aux auteurs de démontrer le pillage de leurs œuvres, mais aux entreprises d'IA de prouver qu'elles ne les ont pas utilisées.

Dans le même temps, le texte pourrait établir une présomption d’utilisation de contenus culturels par les fournisseurs d’IA. Cette disposition reconnaîtrait que ces modèles ont massivement aspiré les données du Web pour leur construction, obligeant ainsi les entreprises à négocier des rémunérations. Des sénateurs de divers partis politiques envisagent déjà de déposer un projet de loi allant dans ce sens.
Quoi qu’il en soit, le chemin vers une telle réglementation reste semé d’embûches. Au-delà de la nécessité de trouver une majorité parlementaire dans un contexte politique fragmenté, le texte doit impérativement être jugé compatible avec le droit communautaire. La directive droit d'auteur de 2019 prévoit certes un mécanisme d'opt-out, à savoir un droit de retrait, mais son application concrète s'avère complexe à contrôler pour les ayants droit.
En attendant cette hypothétique arme législative, la bataille continue devant les juges. Les syndicats d'éditeurs ont attaqué Meta en mars pour utilisation présumée de la base de données Books3 contenant 200 000 livres. De leur côté, les géants de la tech continuent d'invoquer le concept américain de « fair use », arguant que leurs modèles ne reproduisent pas les œuvres, mais s'en inspirent seulement.






