Le bras de fer juridique entre Meta et la Commission européenne au sujet des données de Facebook prend une tournure personnelle devant la plus haute juridiction de l'UE. Le géant des médias sociaux conteste vivement les méthodes d'enquête des régulateurs antitrust, qualifiant certaines de leurs demandes« aberrants ». L'affaire, qui remonte à des enquêtes lancées il y a quatre ans, pose une question fondamentale : jusqu'où les autorités peuvent-elles aller dans leur quête de preuves sans piétiner la vie privée ?

Rapports d'autopsie et bulletins scolaires saisis
Au cœur du litige se trouve la nature des documents exigés par la Commission européenne. Daniel Jowell, l'avocat de Meta, révélé aux juges de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) que les filets des enquêteurs avaient révélé des éléments d'intimité troublants. Parmi les fichiers capturés figuraient des rapports d'autopsie des membres de la famille des employés, des bulletins scolaires des enfants et même des détails spécifiques sur la sécurité personnelle des individus.
« Ce type de demande aberrante, intrusive et disproportionnée n’aurait jamais dû, selon notre respectueuse conclusion, être formulée »» a argumenté l'avocat. Pour la maison mère de Facebook, ces exigences constituent une pratique de collecte de données professionnelles et de secrets personnels.
La problématique dépasse le cas de Meta. Il s'agit de déterminer si le pouvoir d'enquête de la Commission européenne est « effectivement illimité » ou s'il doit rester surveillé par « les principes de nécessité, de proportionnalité et le droit fondamental à la vie privée ».
La guerre des mots-clés et des chiffres
Le litige technique concerne les mots-clés utilisés pour filtrer les documents internes. Meta affirme que la Commission européenne a imposé environ 2 500 termes de recherche pour le cas des données et 600 pour le cas du marché, obligeant l'entreprise à produire près d'un million de documents.
La défense de l'UE, représentée par Giuseppe Conte, rejette cette version. Selon l'avocat de la Commission européenne, l'institution a « a largement suivi l'approche de l'entreprise » en reprenant une grande partie des termes retenus par Meta dans un premier temps pour répondre à une décision de mars 2019. Il conteste également l'ampleur des chiffres avancés, évoquant des centaines de termes plutôt que des milliers, et rappelle qu'il est « pratique courante » pour que toutes les autorités mondiales de la concurrence le fassent.
Ce recours à la CJUE intervient après un échec en première instance et dans un climat déjà tendu. L'année dernière, le régulateur européen a infligé à Meta une amende de 798 millions d'euros. Le groupe a été sanctionné pour avoir lié son service de petites annonces Facebook Marketplace à son réseau social, imposant des conditions commerciales jugées déloyales à ses concurrents.
La décision de la Cour, attendue l'année prochaine, devra se prononcer sur l'existence d'un contrôle judiciaire effectif face à des exigences réglementaires croissantes.






