C'est un choc : l'École Polytechnique a décidé de suspendre sine die son projet de migrer vers les solutions Microsoft, suite à une polémique qui dure depuis mars dernier. Cette décision n’a pas encore été officiellement confirmée par l’establishment, mais dans les milieux du logiciel libre et de la défense de la souveraineté numérique, on parle déjà de «une victoire majeure ».
Une polémique sur les données sensibles et le cloud américain
Le projet initial prévoyait le transfert progressif des systèmes informatiques de l'école vers le cloud Microsoft, transfert qui concernait également les services de messagerie des étudiants. Cette proposition a suscité l'ire de nombreux experts, ces derniers craignant la centralisation des informations stratégiques dans des infrastructures soumises au droit extraterritorial américain (Cloud Act, FISA). Polytechnique est en effet rattachée au ministère des Armées, et à ce titre gère des recherches sensibles dans les domaines quantique et militaire, entre autres. Le Conseil national du logiciel libre (CNLL) avait également alerté sur les risques de fuites de propriété intellectuelle ou de divulgation de données fondamentales, une préoccupation majeure à l'heure où les Etats-Unis sont dirigés par un président aussi « explosif » que Donald Trump.
Conformité à la doctrine nationale du cloud
Pour alourdir le dossier, le député Philippe Latombe avait formalisé ces préoccupations dans une question écrite à l'ancien ministre de l'Enseignement supérieur. Par ailleurs, en France, la doctrine du « cloud au centre de l’État » impose aux établissements publics de recourir à des prestataires certifiés. SecNumCloud pour héberger des données sensibles, ce qui exclut de facto les principaux fournisseurs américains. Le CNLL, qui avait engagé une procédure précontentieuse, appelle désormais tous les établissements à adopter des solutions souveraines et conformes aux lois nationales. De là à imaginer que cette suspension se transformera en une rupture pure et simple des contrats signés avec Microsoft, il ne semble désormais y avoir qu'un tout petit pas à franchir…